Depuis la fin des années 1980, le PIB japonais est en panne de croissance. La grande majorité des économistes trouveraient la situation préoccupante, tant la croissance semble fréquemment vue comme une nécessité pour qu’une économie soit saine. Pourtant, les indicateurs économiques du Japon restent stables. D’autre part, les résidents de l’archipel présentent cette tendance comme une approche privilégiant la durabilité plutôt qu’une utopique croissance sans limite, bien incapable de préserver ce qui compte vraiment dans la vie.
Le Japon pourrait ainsi être le premier pays où la durabilité s’érige en modèle post-croissance, ce d’autant que les valeurs qui sous-tendent la société japonaise sont alignées avec les buts professés par les théoriciens de la durabilité post-croissance : gaspillage réduit au minimum ; recylcage de tout ce qui peut l’être ; approche frugale de la vie ; consommation minimale.
Cette série d’images documente les traces de cette société japonaise post-croissance. Elle évoque d’une part les causes et manifestations de la stagnation économique et démographique : la population vieillissante, les infrastructures en état de (semi-)abandon. Elle parle de ces communautés sans jeune génération, peuplées de personnes parfois très âgées et souvent en bonne forme physique et mentale qui doivent travailler bien au-delà de l’âge légal de la retraite (60 ans) et qui peinent à trouver quelqu’un qui reprendra leur affaire pour leur succéder.
La série présente également des initiatives qui invitent à une forme d’optimisme, des efforts visant à minimiser les effets de la situation économique et démographique du Japon. Elle parle de petites communautés qui vivent sur un mode aussi durable que possible, parfois à travers des collaborations intergénérationnelles, d’industries qui redonnent une vie à des matériaux recyclés à partir de maisons écroulées faute d’entretien, de groupes de personnes qui s’efforcent de ne pas gaspiller plus que l’absolu minimum.
Ce projet remet en question le dogme économique selon lequel la croissance est une nécessité et l’absence de croissance une catastrophe. Il présente la post-croissance dans le contexte d’une économie durable, dans un pays connu pour sa très haute qualité de vie. Il nous offre ainsi une nouvelle définition de la « prospérité » et un aperçu de ce que le futur pourrait réserver aux économies en panne de croissance.