Nul ne sait combien de personnes exactement sont concernées. Peu sont enclines à parler ouvertement, par peur de l’opprobre ou du rejet. Pas facile, dans la pratique, de s’extraire d’une minorité pour rejoindre un groupe plus minoritaire encore, et ce dans un contexte sociétal qui célèbre et « affirme » la première tout en invisibilisant le second. Pas facile non plus d’assumer à visage découvert un errement aux conséquences souvent majeures et de plonger vers l’inconnu, dans une zone où nul ne sait ce que la vie offre ou retranche.
Ce qui est certain, c’est que ces personnes existent et que leur nombre augmente. Elles ont en commun d’avoir fait une transition de genre médicale ou chirurgicale et d’avoir, à un moment ou à un autre, décidé d’abandonner cette voie. Elles ont cessé les traitements hormonaux et se sont réconciliées avec elles-mêmes. Dans la mesure du possible, elles ont également laissé leur physiologie de naissance reprendre le dessus. Les actes chirurgicaux sont, évidemment, définitifs.
Commence alors un long chemin. Pas de retour, pas de dé-transition, uniquement un chemin ponctué de questions vers une réalité que personne ne connaît et dont les tenants et aboutissants ne seront compris que dans plusieurs années, voire décennies. Qu’advient-il d’un organisme qui a pris pendant des années des hormones sexuelles de l’autre sexe? Comment se reconstruire psychiquement quand on a chirurgicalement enlevé des parties du corps dédiées à la fertilité, au plaisir, à l’estime de soi? Comment se réconcilier avec son image quand la société vous perçoit comme une personne que vous n’êtes pas? Comment envisager l’avenir quand on ne sait même pas si les traitements entrepris auront, à brève ou moyenne échéance, un impact déterminant sur son espérance de vie ?
Toutes ces questions sont sans réponse. Elles le resteront pour longtemps. Mais devant l’étendue des doutes possibles, des dégâts somatiques ou psychologiques, des solutions présentées comme simples et qui se sont avérées délétères, toutes les personnes qui ont témoigné pour ce travail proposent une approche ancrée dans leurs expériences : réfléchir, réfléchir en très grand détail avant d’entreprendre une transition de genre.